Ce que cache l'accélération de la croissance en France

Publié le par Don Popiet

Le PIB tricolore a augmenté de 1% au premier trimestre. C'est la plus forte hausse enregistrée depuis 2006. Signe que la reprise est solide et vertueuse? Rien n'est moins sûr...

La croissance française a accéléré de 1% aupremier trimestre 2011. Pour la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, "la machine est relancée".
REUTERS/Thomas Peter

1% de croissance dans l'Hexagone au premier trimestre, la plus forte hausse depuis cinq ans! Ce chiffre, largement supérieur aux attentes des analystes, rend possible une croissance d'environ 2% sur l'année, conforme aux prévisions du gouvernement. Ravis, François Fillon et Christine Lagarde n'ont pu s'empêcher de griller la politesse à l'Insee: le Premier ministre et la ministre de l'Economie ont annoncé la bonne nouvelle dès jeudi soir. Certes, la France ne fait pas aussi bien que l'Allemagne qui affole les compteurs avec une croissance de 1,5%, mais elle n'a pas à rougir en comparaison des performances médiocres d'autres grandes économies de la zone euro. Plusieurs éléments indiquent que la reprise dans l'Hexagone se consolide. Mais le ciel n'est pas encore complètement dégagé.

Des signes encourageants...

Bonne tenue de la consommation des ménages. La fin de la prime à la casse, qui a tiré les dépenses de consommation des ménages en 2010, laissait envisager une rechute de ce poste. Il n'en est rien. La consommation des ménages est même plus forte au premier trimestre que le trimestre précédent (+0,6% après +0,4%). Il faut encore y voir bien sûr les effets décalés de la prime à la casse, notamment des délais de livraison des commandes d'automobiles effectuées en décembre dernier. Mais pas seulement. Les dépenses des ménages en services ont aussi augmenté (+0,7%), ce qui suggère un mouvement plus large.

Accélération des créations d'emplois. Le secteur marchand a créé 58 800 emplois salariés au premier trimestre de cette année, après 37 600 emplois au quatrième trimestre 2010 et 22 200 au troisième. Cette accélération est d'autant plus satisfaisante qu'elle résulte d'un renforcement des créations de postes dans les services et d'une stabilisation de l'emploi dans l'industrie et la construction. L'intérim, qui était jusqu'ici un moteur essentiel de la reprise, commence à s'essouffler. "Ces chiffres très positifs sont cohérents avec la diminution continue du nombre de demandeurs d'emplois depuis le début de l'année", a souligné le ministre du Travail Xavier Bertrand. En effet, depuis début 2011, le nombre de demandeurs d'emploi sans activité a reculé mois après mois.

Les usines tournent à plein régime. La production industrielle a très nettement accéléré au premier trimestre (+1,6% après +0,3%), notamment la production manufacturière dont la hausse (+3,4% après +0,7%) est la plus forte de ces trente dernières années. La production de services croît également (+1,1% après +0,2%). Le renforcement des perspectives d'activité, a également incité les chefs d'entreprises à poursuivre la reconstitution des stocks. Leur variation a ainsi contribué à la croissance pour 0,7 point de PIB.

Les entreprises réinvestissent. C'est peut-être la nouvelle la plus importante: les dépenses en investissements des entreprises non financières ont vivement accéléré au premier trimestre (+1,9% après +0,9%). Selon la dernière enquête trimestrielle publiée par l'Insee en début de semaine, les industriels français s'attendent à un rebond de 15% de leurs dépenses d'investissement en 2011. Même si on sait que les prévisions optimistes en la matières ont souvent donné lieu à des révisions moins glorieuses ces dernières années.

... Mais de nombreuses incertitudes demeurent

L'inflation menace le pouvoir d'achat des ménages. Portée par le renchérissement des prix du pétrole, de l'alimentation et de l'habillement, l'inflation a poursuivi sa progression en France au mois d'avril avec une hausse de 2,1% sur un an. Cette accélération devrait se poursuivre pour atteindre 1,8% au total sur l'année. Or les salaires en suivent pas: l'indice du salaire mensuel de base a augmente de 1% au premier trimestre 2011, alors que l'indice des prix a progressé de 1,1%. Cet indice de salaire ne tient pas comptes des heures supplémentaires et des primes. Néanmoins, l'Insee estime que les gains de pouvoir d'achat des ménages ne seront que de 0,1% au premier trimestre. Quant au chômage, il reste à un niveau très élevé: le gouvernement prévoit qu'il se stabilise à 9% d'ici la fin de l'année. Enfin, le contrecoup réel de la fin de la prime à la casse devrait se produire au deuxième trimestre. La consommation des ménages risque fort de ralentir.

L'activité et l'investissement des entreprises ont atteint un pic

Dans l'industrie, les patrons anticipent d'ores et déjà un ralentissement de leur activité. Certes, les carnets de commandes étrangers sont jugés très étoffés, mais le mouvement de reconstitution des stocks arrive à son terme. Or ce facteur technique a été le principal contributeur à la forte croissance enregistrée au premier trimestre. La demande intérieure des ménages pourrait ne pas suffire à relancer la machine. Quand à la demande extérieure, elle va s'affaiblir, sous le double effet du ralentissement du commerce mondial et des plans d'austérité mis en oeuvre partout en Europe. En dépit de leurs prévisions optimistes, les chefs d'entreprises pourraient donc ne pas poursuivre leurs investissements. D'autant plus que le resserrement de la politique de taux de la BCE laisse présager un durcissement des conditions d'octroi des prêts et un renchérissement du coût du crédit.

 

Le commerce extérieur est toujours déficitaire. Certes, les exportations tricolores ont redémarré au premier trimestre (+1,4% après +0,3%). Mais les importations ont progressé encore plus rapidement (+2,7% après -0,7%), à cause de la hausse de la facture pétrolière. Résultat, le solde commercial s'est détérioré et a contribué négativement (-0,4 point) au PIB. Compte tenu de l'euro fort et du manque structurel de compétitivité du commerce extérieur français, il y a peu de chance que cette tendance se renverse.

2%, c'est jouable? Ce fort rebond de la croissance française au premier trimestre ne devrait donc pas se poursuivre dans les prochains mois. Christine Lagarde juge elle-même probable que le deuxième trimestre soit moins brillant. Ainsi que les suivants. La ministre de l'Economie a toutefois maintenu sa prévision de croissance de 2% pour 2011. Il faut dire que l'acquis de croissance en avril (+1,6%) conforte cet objectif (il suffit de 0,3% de hausse du PIB aux prochains trimestres pour y parvenir). Mais Bruxelles n'y croit pas: la Commission européenne estime que la croissance française ne dépassera pas 1,8% cette année.

Publié dans Actu

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