Un an après, la banlieue présente ses doléances

Publié le par Don Popiet

L'association AC Le feu a remis, mercredi 25 octobre, aux députés les revendications des quartiers qui s'embrasèrent, à la fin octobre 2005.

Depuis quelques jours, les rues de Clichy se sont habillées d'immenses photos. Elles se déploient au pignon des barres d'immeubles, flottent aux lampadaires comme des oriflammes. Disent le quotidien. Montrent la bouille de deux ados, Bouna et Zyed, morts électrocutés un soir d'octobre 2005. Semaine à risques. Samir Mihi, porte-parole d'AC Le feu, est sur le qui-vive. « Peur de la provoc. Des deux côtés. On veut continuer à travailler. Alors, il faut du calme. Du sang-froid. De la patience. »

AC Le feu, qui signifie aussi « Association du collectif liberté égalité fraternité ensemble et uni », est née dans la foulée des émeutes. « À l'extérieur, les médias, les hommes politiques expliquaient tout ça par la polygamie, le rap, la démission des parents. Nous, on a voulu rebondir. Faire participer les acteurs. Aller là où le peuple vit, subit. Tendre les oreilles. Mettre des mots sur les maux. » Cet après-midi, AC Le feu déposera ses cahiers de doléances à l'Assemblée nationale, à l'issue d'une marche dans Paris. Pendant des semaines, elle a ausculté les cités, les quartiers de 120 villes du pays, chaluté 20 000 témoignages et coups de colère. Des doléances qui causent d'emploi, de précarité, de logement, de rapports avec la police, de place dans la société française... « Comme l'affaire de l'aéroport de Roissy, rebondit Samir Mihi, furibard. On retire leurs badges à des jeunes des cités pour des fautes qu'ils auraient commises il y a cinq, dix ans. Le maire de Bordeaux a été condamné pour une faute, il y a un an et demi, et le revoilà. Deux poids, deux mesures : ça, c'est de la violence. »

La démarche d'AC Le feu est « inédite en banlieue », s'enthousiasme Mohamed Mechmache, son président. Qui parle de « participation démocratique des citoyens » : 'On les a tellement exclus de tout, qu'ils ne s'intéressaient même plus à la politique. On dira désormais aux dirigeants : Vous ne ferez plus sans nous. ' L'association est de celles qui poussent depuis des mois les jeunes à s'inscrire sur les listes électorales. « Le vote, c'est notre arme. Une autre manière de faire violence à l'injustice. Plus jamais les événements de l'an dernier ne doivent se reproduire. » Rien qu'à Clichy, le mouvement a provoqué un « millier » d'inscriptions supplémentaires. Mais les leaders d'AC Le feu restent vigilants, prudents. La crainte ? Être « récupérés » par les formations de droite ou de gauche. Être déçus par des promesses non tenues. Du haut de ses 40 ans, Mohamed Mechmache se rappelle la marche pour l'Égalité, dite la marche des Beurs, en 1983. « Plus de vingt ans après, on y est encore. Rien n'a changé. Et pourtant, on nous avait dit : 'On vous a compris.' En fait, ils n'avaient rien compris. »

Publié dans popiet

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article