La France se pique au jeu de la campagne

Publié le par Don Popiet

Meetings pleins à craquer, records d'audience des émissions télé... la présidentielle est plébiscitée comme jamais. Constats et décryptage.

« Aujourd'hui, 80 % des Français disent s'intéresser à l'élection présidentielle, explique Brice Teinturier, responsable du département « stratégies d'opinion » de l'institut de sondages TNS-Sofres. En 2002, à la même époque, ils n'étaient que 52 %. » Sur le terrain, les partis confirment cet engouement. Dans les meetings, ils sont même « débordés ».

« Quand Ségolène est venue à Rennes, en février, on m'avait demandé d'organiser un meeting de 5 000 personnes, indique Frédéric Bourcier, secrétaire départemental PS d'Ille-et-Vilaine. Nous avons fait plus de 12 000, sans parler de la vingtaine de cars qui n'ont pu accéder au site. Jospin n'avait fait qu'entre 7 000 et 8 000 à Rennes en 2002. »

Nicolas Sarkozy sera à Lanester, mardi, et la fédération UMP du Morbihan ne chôme pas. « Ouh la-la oui !, lance Jean-Claude Malaguti, adjoint de délégation. Vu la demande, les 8 000 places seront remplies et nous pensons installer un écran extérieur. » Les curieux se mêlent désormais aux sympathisants.

Éric Azière est chargé de la cellule « terrain » de la campagne de François Bayrou. « Nous passons notre temps à remplacer les petites salles par de plus grandes. La rencontre dans un café, prévue à Grenoble le 3 avril, par exemple, vient de se transformer en réunion publique. » Les partis n'ont pas vu assez grand.

« Intérêt... et indécision »

Avec une conséquence : « Cela occasionne des frais supplémentaires. Cet enthousiasme est à la fois génial et problématique. Mais on ne va pas se plaindre ! » En 2002, le plus gros meeting de François Bayrou avait réuni « à peine 3 000 personnes » à la Mutualité. Il y a dix jours, le candidat a rempli les 7 000 places du Zénith, plus 5 000 personnes dehors, devant un écran. « C'est du jamais vu ! Avant, il nous fallait rameuter pour remplir. Aujourd'hui, c'est presque l'inverse. »

Succès des meetings. Mais pas seulement. Les candidats alimentent les conversations jusque dans les cours d'école. Les maisons d'édition ont publié plus d'une centaine de livres politiques depuis le début de l'année. Certains atteignent 100 000 à 250 000 exemplaires : Qui connaît Madame Royal ·, d'Éric Besson vient de passer en tête des ventes selon Livres Hebdo.

Les « blogs » fleurissent sur Internet et les émissions télé battent des records. Ségolène Royal a réuni 8,9 millions de téléspectateurs dans J'ai une question à vous poser. La plus forte audience pour une émission politique depuis la création de Médiamétrie il y a 22 ans. Nicolas Sarkozy avait fait 8,2 millions. « C'est colossal, estime Brice Teinturier. Même les émissions politiques « classiques » font le double d'audience. »

Pourquoi un tel plébiscite ? « Ce sont des candidats relativement nouveaux qui annoncent un basculement générationnel, souligne Thierry Vedel, chercheur CNRS au Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences-Po). Avec un paradoxe bien français : on veut un débat d'idée et, en même temps, en savoir plus sur leur personnalité. Voir à quoi ils ressemblent... »

« Les deux principaux candidats se présentent pour la première fois, rappelle Brice Teinturier. Ce n'était pas arrivé depuis 1969. Cela crée forcément de l'intérêt et de l'indécision. »

Pour lui, le spectre du 21 avril 2002 est bien présent : « Il y a une volonté de « se rattraper ». On ne va plus au premier tour pour se faire plaisir. » Frédéric Bourcier (PS) témoigne d'un certain civisme : « Sur les marchés ou au porte-à-porte, on ne nous jette pas. Même ceux qui ne sont pas d'accord sont curieux. Il est devenu légitime de faire campagne. »

Publié dans Actu

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