5, 4, 3, 2, 1, 0, il est 20 heures...

Publié le par Don Popiet

Johnny est revenu. Il arrive à pied rue d'Enghien, au QG du candidat de l'UMP. Il est 19 h 52, et les estimations de 20 heures, encore tenues secrètes comme le veut la loi, sont grillées par la réapparition du vieux rockeur, sorti de son exil fiscal suisse. Le suivent Jean Reno, hilare, Doc Gynéco et sa mantille, Faudel. Plié : Nicolas Sarkozy est élu. Mais, sur TF1, PPDA et Claire Chazal feignent de maintenir le suspense officiel. Quelques minutes encore tandis que les motards du service public et de la chaîne Bouygues se concurrencent dangereusement dans les avenues de Paris. Qui aux fesses de la Renault de Sarkozy, qui dans la roue de la voiture de Ségolène Royal, qui s'en va vers la Maison de l'Amérique latine pour une déclaration sans attendre. «5, 4, 3, 2, 1, 0...» : il est 20 heures, l'estimation Sofres apparaît sur les écrans de TF1: «53 %» pour Nicolas Sarkozy. Strictement la même sur France 2, où le drapeau tricolore numérisé vient de tomber devant le visage de Sarkozy.
En pétard. Tout s'emballe. Ségolène Royal est déjà sur les écrans, derrière un pupitre. Mais elle en redescend immédiatement pour une petite baignade parmi les supporteurs. François Fillon, premier ministrable, a tout juste le temps de se réjouir sur le plateau de la première chaîne de ce que les Français, qui «votaient contre» depuis plusieurs années, se soient prononcés «pour une certaine façon de faire de la politique». Ségolène Royal adressant des petits coucous à la foule, revient à son pupitre : «Le suffrage universel a parlé. » A l'extérieur de la Maison de l'Amérique latine, la foule est jeune et métissée. Silencieuse. Triste. La candidate socialiste promet que «quelque chose s'est levé qui ne s'arrêtera pas». Elle parle, et TF1 juxtapose un gros plan de François Hollande, qui l'écoute sur le plateau aux côtés de Jack Lang et face à François Fillon. «Je continue le combat commencé avec vous.», dit-elle, prenant de vitesse ceux qui ne le voudraient pas. Hollande esquisse un sourire attendri. Sur France 2, s'incrusteDSK, manifestement en pétard. De fait, le discours de Royal à peine clos, DSK plante ses banderilles «C'est une très grave défaite... Nous n'avons pas réussi le renouveau de la social-démocratie, je suis disponible pour ça.» 
Sur TF1, François Fillon se voit déjà poser la question : «Vous êtes le prochain Premier ministre?» Il sourit, ravi, mais ne veut pas répondre. En revanche, il installe les termes de cette victoire, «la rupture», «le changement». Aussitôt, François Hollande le reprend : «Nicolas Sarkozy est ministre depuis cinq ans, on ne peut pas laisser penser qu'il y a là une nouvelle page blanche qui serait écrite aujourd'hui par le nouveau président de la République.» Il est interrompu par les images de la Vel Satis de Nicolas Sarkozy, qui quitte la rue d'Enghien poursuivie par la ribambelle de motards de la télé. «Ce n'est pas un rassemblement de motards en colère», rassure PPDA. Quelle drôle d'idée ?
Portière arrachée.  «Il faut que la gauche se rassemble», François Hollande parle dans le vide, derrière lui file la voiture de l'élu, ses deux belles-filles blondes à ses côtés. Toujours pas de Cécilia, déjà étrangement absente dimanche matin au moment où son époux votait à Neuilly. Sarkozy passe le bras par la portière, repousse les tentatives d'interviews en live, utilise beaucoup son téléphone portable. La Vel Satis arrive salle Gaveau. Bilan : une portière de voiture accompagnatrice arrachée, une moto par terre, des cameramen qui courent sans leur monture et, pour finir, une bousculade où règnent les képis et les uniformes des gendarmes. «On ne peut pas le suivre, on est parfaitement bloqués par les gendarmes», crie le reporter de TF1.
Sur le plateau de TF1,le bras de droit de François Bayrou, Marielle de Sarnez, commente les reports des électeurs du centre ­ 40 % ont voté pour Ségolène Royal ; 40 %, pour Nicolas Sarkozy, selon la Sofres. Elle dit : «Il est tout à fait normal que les électeurs du centre se reportent les uns sur Ségolène Royal, les autres sur François Bayrou»... Sauf votre respect, Marielle, c'est pas François Bayrou qui a été élu hier soir. Sur France 2, Jean-Marie Cavada (UDF) réveille son monde en déclarant que c'est «une victoire qui fait plaisir et un peu peur». Pujadas bondit : «Peur ?» Cavada pirouette et se rabat sur le plaisir. Et rideau, car Sarkozy parle. Commence son long appel à tout ce qui bouge sur la planète terre. A côté de son visage sur la toile de fond de la salle Gaveau, un omniprésent Sarkozy.fr. Quand sa pensée «va à Mme Royal», la salle Gaveau se fait houleuse, mais il la fait taire d'un geste.
Monastère. 21 heures. Sur les plateaux de télévision, François Fillon assure «qu'il y aura des représentants du centre et de la gauche au gouvernement». Nicolas Sarkozy, lui, fait halte au Fouquet's, où un dîner est prévu avant qu'il ne rejoigne la place de la Concorde. Bousculade, reculade, ses fils et ses belles-filles courent pour ne pas se laisser distancer. La musique monte de la Concorde. L'atmosphère ne sera pas la même dans le monastère que le nouveau président de la République se promet de rejoindre, et où «il sera en réflexion au moins jusqu'à la fin de la semaine prochaine», précise François Fillon. L'hôtel faisait trop vacances, le monastère se veut signe d'introspection. Sur le trottoir, France 2 passe la parole à trois jeunes supporteurs de Nicolas Sarkozy. «Alors, Sixtine, Paul et Charles-Antoine, comment réagissez-vous ? ­ On va tous aller à la place de la Concorde. Et vive la France !» 
A 23 heures, alors que place de la Bastille des échauffourées se poursuivent, Nicolas Sarkozy privatise le jardin des Tuileries. Pour arriver sur la scène dressée à la Concorde, il embarque le cortège de ses suiveurs, dans ce qui, vu d'avion, ressemble à un Paris-Dakar au coeur de la capitale. En quelques enjambées, il est sur scène, accompagné, cette fois ­ enfin ­ de Cécilia, pantalon blanc et pull gris. Micro à la main, le nouvel élu veut «une France rassemblée qui ne laissera personne sur le bord du chemin». Pendant ce temps-là, son épouse papote avec son beau-frère François. Se ravisant, elle applaudit. Puis jette un coup d'oeil à sa montre. Nicolas Sarkozy remercie les artistes de la rupture, Enrico Macias, Jean-Marie Bigard, Christian Clavier. Et leur chef de chorale, Mireille d'Avignon, qui chante la Marseillaise. 

Publié dans popiet

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