Une France berlusconisée

Publié le par Don Popiet

Diabolisation exacerbée, élection transformée en référendum sur une personnalité : l'Italie connaît très bien tout cela. Depuis que Silvio Berlusconi a fait son entrée en politique en 1994, le pays est coupé en deux et aucun citoyen de la Péninsule n’est indifférent à l’homme politique. Il Cavaliere, « tu l'aime ou tu le hais », comme le proclamait le slogan des chaussures Superga.

Le retour au pouvoir du centre-gauche lors des élections de 2006 illustre ce phénomène : c’est bien le rejet de Berlusconi, et non l’adhésion à Romano Prodi, qui a assuré la victoire de la majorité actuelle. Et aujourd’hui encore, l’anti-berlusconisme est le principal moteur de la coalition au pouvoir.

En France, la dernière campagne présidentielle ainsi que les premières réactions à l'élection de Nicolas Sarkozy semblent répondre à la même logique. « Le choix de Nicolas Sarkozy est un choix dangereux, je ne veux pas que la France soit orientée vers un système de brutalité », a déclaré la candidate socialiste à deux jours du second tour. Dans la dernière ligne droite, le PS a tout misé sur le TSS (« tout sauf Sarkozy ») en diabolisant le candidat de l'UMP. L'attitude aggressive de Ségolène Royal lors du débat télévisé du 2 mai – accusant notamment son adversaire d' « immoralité politique » – allait clairement dans ce sens. Nulle suprise si plusieurs centaines de militants et de casseurs manifestent dans plusieurs villes de France en clamant leur rejet de « Sarko ». Ce n'est que partie émergée de l'iceberg de la diabolisation.

Toutes proportions gardées, pour un Italien il s'agit d'un film déjà vu : celui d'une gauche incapable de répondre au néo-conservatisme sans complexes d'un Berlusconi ou d'un Sarkozy, de faire son aggiornamento idéologique et de contre-attaquer non pas sur le terrain de la diabolisation mais sur celui du programme et des idées. Le vrai risque pour la démocratie, ce ne sont ni Berlusconi ni Sarkozy. Le vrai risque est de voir, à l'instar de l'Italie des dernières années, un débat public appauvri, réduit au clivage PCS (« pour ou contre Sarkozy »).

L'espoir, pour l'Italie, est que le nouveau Parti Démocrate de Romano Prodi et de la gauche sache incarner ce changement. Pour la France, il convient que le PS tire les conclusions politiques de la dernière élection en choisissant clairement la voie de la social-démocratie tout en retrouvant l'unité nécessaire pour mener une opposition digne de ce nom.

Publié dans Actu

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